Note de lecture

Trois saisons d’orage. Roman de Cécile Coulon, éditions Viviane Hamy

 

Trois saisons d’orage est un roman qui décrit une période de paix dans un village isolé, à travers le regard de son prêtre, le narrateur. La paix : cette histoire commence à la fin de la seconde guerre et va s’étirer sur trois générations. A l’armistice, un jeune médecin vient s’installer aux Fontaines. Dans ce village se côtoient en bonne intelligence les paysans, qui y ont toujours vécu, et les ouvriers travaillant dans la carrière des frères Charrier, récemment ouverte. Il en devient un notable respecté parce que dévoué à son métier et ses patients.
La fin de la guerre : ce tournant de l’Histoire est à peu près le seul repère temporel du roman. Bénédict, le fils d’André et Bérangère, sa petite-fille, éclosent dans le nid douillet qu’il s’y est bâti. Tout se déroule naturellement, comme si l’histoire s’écoulait en un ruisseau paisible. Parti des années 40, le lecteur se retrouve, presque sans s’en rendre compte, à la fin du siècle, sans même savoir quand exactement. Et ce n’est pas ce qui importe. Car ce qui y est décrit avec tant d’assiduité est intemporel : la vie d’un petit village de campagne qui s’étire, enfle, s’organise, se peaufine, se rapproche inexorablement de la ville, tout cela sous la tutelle de mère nature qui n’est pas que bienveillante.
Le prêtre n’est pas seulement le narrateur ; il est le témoin idéal pour en parler. Observateur serein, neutre, distancié et tout à la fois omniprésent. La paix, c’est aussi souvent la routine. Elle affleure souvent, au cours du récit, à travers des répétitions de mots ou d’expressions qui reviennent sans cesse, scandés comme des mantras obsessionnels ou, plus exactement (venant d’un prêtre) des litanies lancinantes. « Ils sont d’ici, ils sont nés ici(...) » pour parler des locaux ou, inversement « il n’allait pas de l’autre côté, à la ville, ils ne voyageaient pas (...) » pour évoquer le bruissement de la cité lointaine. Des mot-totems autour desquels on tourne lorsqu’il s’agit de se rassurer, de se conforter dans l’idée qu’on a raison « d’être d’ici » et qu’ils ont tort « d’être de la-bas ». Ces mots qui sont les piliers autour desquels se tissent les liens sociaux, en temps de paix, finiraient presque par agacer, avant de se reprendre : « Mais non ! c’est une description très fine de ce qu’est la vie, le peuple !... »
Le prêtre n’est pas seulement le narrateur : il est aussi le symbole, le trait-d’union qui relie ce peuple aux forces incontrôlables de la nature. Car cette famille heureuse s’achemine lentement vers une fin dramatique, à laquelle elle ne pourra que se soumettre. Comme pour rappeler qu’en dépit de toutes ses tentatives, ses progrès, ses découvertes et ses efforts, l’Homme lui sera toujours assujetti.
 
MB