Une "espèce parapluie"
Le grand tetras fait partie des plus beaux oiseaux de forêt en Europe, par sa taille et ses couleurs chatoyantes. Gros comme un dindon, il lui ressemble aussi par les plumes de sa queue, qu’il déploie en éventail lorsqu’il fait sa parade de printemps.
En terme de biodiversité, il est considéré comme une « espèce parapluie ». Autrement dit, sa présence est un gage que la faune et la flore environnantes sont en bonne santé : s’il est là, c’est que tout va plutôt bien. A l’inverse, son absence peut être considérée comme l’indice d’une défaillance du biotope. C’est pourquoi il est particulièrement surveillé par les observateurs. Dans le Jura, il est même protégé, contrairement aux Pyrénées, où on le chasse encore. Un gros volatile qui mérite qu’on le connaisse un peu mieux.
Ce gallinacé se divise en deux espèces principales, le grand tetras et le tétras lyre, de taille plus modeste. Elles-mêmes se scindent en plusieurs sous-espèces. Il arrive que dans les zones frontalières, il y ait hybridation entre les différentes espèces.
Le grand tétras est essentiellement présent en Europe et en Asie. Bien adapté aux hivers rigoureux, on l’observe aussi bien dans les taïgas russe (Estonie, Lettonie, Russie, Biélorussie, Ukraine) que dans les pays scandinaves (Norvège, Suède, Finlande) ou dans les pays d’Europe de l’est (Pologne, Rép. Tchèque, slovaquie, Roumanie, Bulgarie, Serbie, Croatie, Slovénie). L’Allemagne, l’Autriche, La Grèce, l’Italie, La Suisse, le Royaume Uni et l’Espagne hébergent également une population. Leur nombre respectif y est très inégal, en fonction de la taille des milieux naturels, de la façon dont ils sont protégés et observés. La Russie en accueillerait 4 millions, contre seulement 2000 en Bulgarie, 1000 en Suisse, 350 en Croatie et 200 en Serbie…
En France, leur nombre serait compris entre 3500 et 5000. L’espèce est présente dans le Jura, où elle est estimée à 340 adultes. Dans les Vosges, il n’y en aurait plus qu’une centaine. Dans les Pyrénées, on en dénombrerait environ 4000. Il a également été réintroduit dans les Cévennes. Son milieu naturel est la forêt mixte et résineuse, comprise entre 800 et 2400 m d’altitude.
Il présente un dimorphisme sexuel important, tant sur la taille que sur la couleur. Les plumes du mâle sont noires avec des reflets bleu-vert. Il mesure 85 à 110 cm de long pour un poids de 2,5 à 4,5 kg. La femelle est plutôt rousse et mesure 55 à 70 cm de long pour un poids d’ 1,5 à 2,5 kg.
Son plumage est doublé de duvet, lui assurant l’isolation thermique dont il a besoin en hiver. De par sa taille, il préfère la marche sur ses solides pattes. Ce qui ne l’empêche pas de se servir de ses ailes, notamment pour s’enfuir lorsqu’il est dérangé, dans un envol bruyant.
Il est sédentaire et le mâle est solitaire. Les rencontres se font annuellement au printemps, sur des zones dégagées qui font la jonction entre les domaines vitaux des coqs et des poules. Ces zones sont appelées « place de chant », en raison des cris rauques lancés par les mâles pendant la parade.
Tandis que les poussins et les juvéniles ont une alimentation riche en insectes, l’adulte est surtout végétarien : bourgeons de hêtre, herbacées, fruits (myrtilles, framboises…) à la belle saison. En hiver, le régime est composé à 80 % d’aiguilles de pins, qui lui apportent tout juste l’énergie nécessaire à son métabolisme.
Dans toute l’Europe, hormis en Ecosse et en Finlande où les signes sont encourageants, la baisse des effectifs est inquiétante, voire alarmante.
Plusieurs causes se conjuguent dans cette régression notée un peu partout. En premier lieu, la diminution des habitats. Cet oiseau a besoin de vastes surfaces de forêts où il peut trouver sa nourriture et se préserver des prédateurs. Or, elle se réduisent, notamment à basse altitude. Dans les habitats dégradés, la prédation devient un facteur important de cette baisse d’effectifs. Aux renards, martres et autres fouines viennent s’ajouter les aigles qui ont été réintroduits et qui peuvent faire des dégâts sur une place de chant. De surcroît, les cerfs se sont déplacés pour les mêmes raisons d’habitats dégradés et se retrouvent aux mêmes endroits. Ce sont de gros consommateurs d’herbacées et de fruits, déséquilibrant les rations des tetras. Enfin, la cohabitation semble difficile avec les sangliers, soupçonnés d’être destructeurs de nids.
Le dérangement par les humains est un autre facteur important. La création de pistes (skis, raquettes) augmente la fréquentation touristique au détriment de l’espèce. L’impact est plus sournois et important qu’on peut le croire. Cet animal très timoré s’envole dès qu’il est dérangé par un promeneur, un chien… Or, sa nourriture se limite, en hiver, aux aiguilles de pins, qui lui apportent juste les calories nécessaires à sa survie. Pour chaque envol intempestif, il puise dans ses réserves et s’affaiblit. Ce qui se paie généralement sur les places de chant, au printemps, impactant le nombre de naissances…
Le braconnage est aujourd’hui quasiment terminé, malgré quelques cas à déplorer ces dernières années. Mais dans les Pyrénées, le sujet de la chasse fait débat et laisse la porte ouverte aux prélèvements illégaux.
L’impact du réchauffement climatique est mal défini, en dehors du fait que la période de reproduction est plus précoce qu’auparavant (15 à 20 jours). Mais l’on sait que les mauvaises conditions climatiques peuvent avoir des effets négatifs : les jeunes restent sous leur mère au lieu de s’alimenter et dépérissent.
Un autre motif de mortalité existe avec les câbles électriques, de remonte-pente, clôtures… Lorsque les câbles sont trop fins, le tétras ne les voient pas, par temps de brouillard. Etant un oiseau lourd, il a moins de célérité qu’une hirondelle pour changer rapidement de direction en vol. Résultat : les victimes au pied de ces lignes sont assez fréquentes…
Pour cette dernière cause, la parade a été trouvée par le Groupe Tetras Jura, qui bénéficie d’un agrément en tant qu’association de protection de la nature reconnue par l’État. Sa mission est de préserver l’espèce : Observations, comptages, pédagogie dans les écoles, sensibilisation des collectivités, conseil technique auprès des gestionnaires de forêts, actions de sauvegarde… Le Groupe s’emploie à garnir les unes après les autres ces lignes meurtrières de flotteurs rouges, pour qu’ils soient visibles de loin par les oiseaux.
Grâce à son travail, les effectifs connaissent aujourd’hui, dans le Jura, un certain équilibre après des décennies de baisse. Mais cette stabilité reste cependant précaire. C’est frappant lorsqu’on suit ce parcours : en mai, lorsque 100 coqs et 100 poules sont présents sur les places de chant, ils donnent 90 nids. Le mauvais temps et la prédation auront détruits 45 nids à la fin juin. Il reste 307 œufs, dont 7 œufs clairs, soit 300 poussins. Au mois d’aout, 200 d’entre eux n’auront pas survécu pour les mêmes raisons et il restera 100 juvéniles à l’automne. A l’hiver, 45 d’entre eux auront été victimes de prédateurs et il restera 55 subadultes. 5 d’entre eux ne survivront pas à l’hiver. En mai de l’année suivante, 50 jeunes adultes auront survécus. Mais entre-temps, sur les 200 adultes de départ, il en sera mort 50… La stabilité est donc, aujourd’hui, assurée de justesse… Son maintien et sa protection font partie des défis pour les années à venir dans le massif du Jura.
Pour approfondir : www.groupe-tetras-jura.org
Derniers commentaires
Merci à Marc pour cette visite vidéo de la cathédrale Saint Jean. Le fond musical est bien choisi.
Nous avons fait un super tour de La ville de Lyon en vélo taxi. Notre guide Marc a une très bonne connaissance en histoire. Nous avons appris beaucoup. 😊 Je recommande.
Très intéressant tour instructive avec Marc samedi passe!
Très bonne découverte de Lyon avec Marc.
Agréable et très intéressant, il nous a appris beaucoup de choses sur l'histoire de cette belle ville