Visites guidées et vélo taxi à Lyon
Le samedi 16 décembre 2017 se tenait une conférence à l’Université Lyon II, animée par l’historien Patrice Faure, maître de conférence à Lyon III et l’archéologue Matthieu Poux. Elle présentait les résultats de 5 journées d’études qui ont regroupé plusieurs spécialistes, en ayant pour but de se pencher sur la bataille de Lugdunum, en 197 après J.C.
Bien que les lyonnais soient généralement très fiers de l’histoire de leur ville, connue de façon plutôt approfondie, les historiens s’étaient désintéressés de cette bataille jusqu’alors. Parce que la ville avait alors pris parti pour le perdant ? Peut-être !… Mais en tout cas, certainement parce qu’elle a nécessité des recherches croisées et complexes, exigeant l’intervention d’experts émanant de spécialités différentes. Les philologues Jean-Claude Decourt et Gérard Lucas, notamment, ont traduit les textes en grec qui racontent la bataille. Ils furent écrit par Dion Cassius (150-230 environ) et Hérodien (175-250 environ). Les deux auteurs sont donc contemporains des faits. Il est à noter que si les textes se recoupent sur certains points, ce n’est pas non plus toujours le cas (comme souvent dans cette matière belle mais délicate qu’est l’histoire). L’un semble plutôt flatteur à l’égard du vainqueur, l’autre plus critique. Si celui de Dion Cassius semble le plus fiable, il est aussi le plus détaillé. Car celui d’Hérodien n’est pas l’original, mais l’oeuvre d’un copiste médiéval, qui ne l’a pas recopié dans son intégralité.
Quoiqu’il en soit, la conférence avait pour but de dresser le compte-rendu de ces travaux. Plusieurs zones d’ombres subsistent, mais une vue d’ensemble est désormais possible.
Pour comprendre les faits, il faut remonter en 192. L’empereur Commode, fils de Marc-Aurèle, règne sur le haut-empire. Il est le dernier de la dynastie des Antonins et lorsqu’il est assassiné, le 31 décembre 192, il ne laisse aucun fils ni successeur désigné. Sa mort plonge l’empire dans une crise de pouvoir qui enclenche une guerre civile. Le préfet de Rome prend la succession mais est assassiné également après quelques mois. Dès lors, les gouverneurs des quatre provinces les plus militarisées s’auto-proclament empereurs et vont s’affronter. Les quatre usurpateurs sont Didius Julianus à Rome, Septime Sévère en Pannonie (une région de l’Europe centrale englobant l’Autriche actuelle), Pescennius Niger en Orient (Syrie) et Clodius Albinus en Bretagne (actuelle Angleterre).
Sévère propose une alliance à Albinus. Ce dernier étant un peu plus jeune, il lui propose d’être son César, autrement dit de l’associer au pouvoir et d’être son successeur. Ayant écarté ce danger potentiel, il peut tourner ses armées sans crainte vers Rome, au printemps 194, puis vers la Syrie. Il réussit à vaincre ses deux adversaires et devient donc empereur. C’est alors qu’il commence à présenter ses deux fils comme ses successeurs potentiels, notamment en associant leurs noms au sien sur différents textes gravés dans la pierre, qui sont parvenus jusqu’à nous.
Il faut sans doute voir dans ces différentes démarches une stratégie de sa part. Sévère n’est pas forcément un très bon combattant. Mais son armée est dotée de généraux hors pair qui ont choisi de lui être fidèle. Il faut noter aussi, à sa décharge, qu’Albinus n’a nullement pris part aux guerres qui ont eu lieu du côté de Rome et en Syrie.
L’année 195 marque la rupture entre Sévère et Albinus, qui n’apprécie pas d’être ainsi écarté. Il traverse la manche avec son armée. Il parcourt la Gaule et range une bonne partie du territoire de son côté - de gré ou de force… Une armée étant souvent un argument très convaincant. Sévère le déclare alors « hostis publicus » (ennemi public de l’empire) et marche à sa rencontre.
C’est à Lugdunum, le 19 février 197, que va se faire la rencontre… Cette bataille va clore 4 années de guerre civile. Elle sera déterminante pour l’empire… Et pour la ville de Lyon. Selon Dion Cassius, « les deux camps confondus, il y avait 150 000 soldats ». Si l’on peut douter du chiffre, pour des raisons de dramaturgie et de logistique, deux choses restent certaines : c’est une bataille de grande ampleur et le rapport de force est défavorable à Albinus. Le lieu exact où se déroule la bataille est également incertain. Elle a eu lieu sur un plateau de grandes dimensions, car les tendances militaires de l’époque demandaient un espace vaste pour combattre. Les spécialistes hésitent entre deux hypothèses, chacune d’elle satisfaisant plus ou moins aux différents facteurs connus. Il s’agit du plateau de Sathonay ou de celui de la Duchère, à proximité de Saint-Didier-au-Mont-d’or.
Nous savons de la bataille qu’elle a commencé à l’avantage du gouverneur breton. Tandis que l’aile gauche d’Albinus était enfoncée par les soldats de Sévère, de l’autre côté du champ de bataille, son aile droite tendait un piège à ses adversaires. Il consistait à simuler un repli dans le but de faire tomber les sévèriens dans des fosses, ou peut-être un « grand ravin » signalé sur le champ de bataille. Nous avons connaissance du fait que Sévère est tombé de son cheval. Il semble qu’il se soit retrouvé au sein de la mêlée, ce qui est inattendu de la part d’un chef de guerre romain. Il s’agit là, d’ailleurs, d’un exemple des divergences qui existent dans les récits des auteurs antiques : selon Hérodien, Sévère serait intervenu au sein de la bataille dans un acte héroïque. Mais selon Dion, il aurait chuté pendant qu’il fuyait le combat… Nous savons enfin qu’une charge de cavalerie, menée par le général Laetus, fut déterminante et mena Sévère à la victoire. Il aurait temporisé avant d’intervenir, ce que Sévère lui reprocha par la suite.
Autre sujet d’incertitude : la mort d’Albinus après la défaite. S’est-il suicidé ou a-t-il été décapité ? Il est probable que nous ne le sachions jamais, les deux témoignages connus se contredisant…
Il semble que, par la suite, les relations entre Sévère et le général Laetus se soient dégradées. Tout se passe comme si Laetus, fidèle dans ses actes, estimé par l’armée, avait fait trop d’ombre à l’empereur. Il a commencé par l’envoyer lutter aux confins orientaux de l’empire, contre les Parthes, ennemis héréditaires de Rome. Mais Laetus y remporte victoire sur victoire ! N’ayant, semble-t-il, jamais pardonné son arrivée tardive à la bataille de Lugdunum, Sévère finit par le faire assassiner et le faire condamner à l’oubli. Autrement dit, son visage a été effacé, martelé sur chacune des statues qui le représentaient...
Cette bataille fut donc décisive pour l’empire. Elle apporte la victoire totale à Sévère, qui s’empare définitivement du titre d’Auguste. Après avoir manipulé l’histoire pour faire croire qu’il était de la famille illustre des Antonins (fils de Marc-Aurèle et frère de Commode !), il fonde sa propre dynastie et la consolide en désignant ses fils, Caracalla et Geta, pour sa succession. Mais les deux enfants se détestent et après sa mort, Caracalla fait assassiner son propre frère. La dynastie règnera jusqu’en 235. Cette bataille marque donc également la charnière entre le haut et le bas-empire.
Enfin, elle fut décisive également pour la ville de Lyon. Nous savons avec certitude qu’au cours du haut-empire, la ville occupait les sommets des collines de Fourvière et de la Croix-Rousse (appelées différemment à cette époque). Au bas-empire et au Moyen-Age, on constate que l’agglomération se trouve le long des berges, en contrebas. Il faut savoir que Lugdunum, après la bataille, a été mise à sac par l’armée victorieuse. Pillée, ravagée, brûlée, il est fort possible qu’elle ne se soit jamais reconstruite au même endroit. Il est donc fort probable que la bataille soit l’origine, directe ou indirecte, de ce déplacement des habitations vers les pieds des collines.
Derniers commentaires
11.09 | 20:01
Merci à Marc pour cette visite vidéo de la cathédrale Saint Jean. Le fond musical est bien choisi.
11.09 | 19:48
Nous avons fait un super tour de La ville de Lyon en vélo taxi. Notre guide Marc a une très bonne connaissance en histoire. Nous avons appris beaucoup. 😊 Je recommande.
17.08 | 16:20
Très intéressant tour instructive avec Marc samedi passe!
10.08 | 13:19
Très bonne découverte de Lyon avec Marc.
Agréable et très intéressant, il nous a appris beaucoup de choses sur l'histoire de cette belle ville