L'épopée cathare 4/4

La réhabilitation

Après la disparition de ses derniers prêcheurs, le catharisme se retrouve victime de cette loi naturelle implacable qui veut que l’histoire est écrite par les vainqueurs. Durant des siècles, ils seront dépeints comme des déviants, des dangereux hérétiques : il fut sain de les supprimer.

Il faut attendre le XIXe siècle pour que quelqu’un s’intéresse à eux en abordant le sujet à partir d’un autre point de vue, en la personne de Napoléon Peyrat (1809-1881), pasteur protestant, poète et historien.

Sur le personnage, on peut sans doute regretter la description sommaire et quelque peu lapidaire fournie par wikipedia. Fort heureusement, d’autres sites rendent un peu mieux hommage au personnage et à ses travaux : « Historien proche de Michelet, célèbre par son Histoire des pasteurs du Désert (1842) réhabilitant les camisards, puis par son Histoire des Albigeois (1870-1882) réhabilitant les cathares, Napoléon Peyrat est aussi un poète dans la ligne des grands romantiques français, et un chantre de la civilisation occitane. » (https://www.napoleon-peyrat.com/) Ou encore : « Napoléon Peyrat  eut un destin curieux, celui du découvreur éclipsé par sa découverte. Qui, aujourd’hui, se souvient que si Montségur existe c’est grâce à lui ? Parmi les files de touristes gravissant le sentier montant au château combien ont lu l’Histoire des Albigeois ? » (http://www.histariege.com/napoleon%20peyrat.htm)

 

La réhabilitation n’ira pas d’elle-même. Aux réticences des autres historiens s’ajoute le tort d’être un peu trop lyrique. Il sublime les faits en évoquant le trésor des cathares, n’hésitant pas à lui adjoindre le graal ! Mais ses recherches, ses travaux ont le mérite d’exister : « Il a travaillé trente ans à cette résurrection,  rédigée à partir de documents encore inédits, c’est à dire le registre d’enquêtes en Lauraguais,  « ms 609 » de la Bibliothèque municipale de Toulouse, dont il a consulté, et même annoté de sa grosse écriture, la transcription partielle, le « ms 169 », et, à la B.N la collection Doat, copie ordonnée au XVIIéme s. par l’intendant Doat, de documents principalement médiévaux, en particulier les procès-verbaux de l’Inquisition. Le t. XXIV, surtout, contient les dépositions des prisonniers après la chute de Montségur. »

Et son romantisme de séduire. Entre autre, le poète Maurice Magre (1877-1941). A sa suite, il poursuit dans la veine romantique et écrit Le sang de Toulouse ou encore Le trésor des Albigeois. Dans ce dernier, il associe également les cathares à un trésor mythique du Razès (http://reinedumidi.com/Toulouse/Magre.htm). Maurice Magre bénéficie d’une plaque commémorative sur le pog. Pour la voir, il faut s’écarter un peu du chemin qui monte au château et prendre un petit sentier qui y conduit.

Déodat Roché (1877-1978) s’intéresse aussi aux martyres médiévaux et à leur histoire. L’intérêt qu’il éprouve pour eux se manifeste dès l’enfance, à travers les ouvrages occultes et ésotériques sur lesquels il se penche avec son père. Adulte, devenu magistrat, il manifeste également un goût prononcé pour la philosophie, pour l’histoire et est initié à la franc-maçonnerie. Il fonde la revue « Le réveil des Albigeois » au début du siècle. Pendant la guerre, il est radié du barreau par le régime de Vichy, ce qui lui procure plus de temps pour se consacrer aux cathares. En 1948, il fonde une autre revue : « Le cahier des études cathares ». Elle sera à l’origine d’une pleïade d’historiens qui prendront son relai et achèveront la réhabilitation commencée. René Nelli, Anne Brenon, Fernand Niel, Jean Duvernoy, Michel Roquebert… Parmi ceux qui sont en vie, citons aussi José Dupré, auteur de plusieurs ouvrages dont « Déodat Roché, un cathare au XXe siècle ».

Le travail de mise à jour qu’ils opèrent est phénoménal et le nombre d’ouvrages publiés, conséquent. Désormais, l’histoire peut être lue sous un autre éclairage, la religion officielle n’apparaît plus sans tâche et l’inquisition peut être montrée du doigt. Il aura fallu plusieurs siècles pour que les tenants du catharisme ne soient plus forcément considérés comme des démons effroyables et lever cette anathème qui leur pesaient dessus. Bien sûr, le regard porté par cette vague d’historiens est parfois un peu trop subjectif, dans l’autre sens. Mais il permet un rééquilibrage sain et une vision plus juste des évènements dramatiques qui se sont déroulés en ces âges sombres de répression et de bûchers, où la liberté de penser et de croire était punie de mort violente.

Deux autres châteaux

D’autres forteresses attirent l’attention lorsqu’on parcourt le sentier cathare : Roquefixade, Padern, Durban… Mais attardons-nous plutôt un peu sur deux d’entre eux : Foix et Puivert.

Foix

Comme on a pu le voir plus haut, les seigneurs de Foix se sont distingués lors de la croisade, bien qu’ils ne l’aient pas fait jusqu’au bout. Comme ailleurs, la guerre avait probablement fait son œuvre d’usure… Cependant, c’est au XIVe siècle que la lignée va connaître son personnage le plus solaire, en la personne de Gaston III, comte de Foix et de Bearn (1331-1391), plus connu sous le nom de Gaston Febus, qu’il se serait auto-attribué. Ce surnom se trouve sous différentes orthographes. Grand chasseur, il rédige un ouvrage en le dictant à un copiste à la fin de sa vie. Ouvrage qui fera référence en la matière pendant plusieurs siècles après lui. Il est également grand homme de guerre, au détriment de son ennemi d’Armagnac, qu’il fait prisonnier lors d’une bataille et habile politicien : il sait tirer son épingle dans le jeu qui se joue entre les français et les anglais, à ce moment-là. Sa vie fait l’objet, en 1978, d’une série télévisée de six épisodes (Le lion des Pyrénées), adaptation d’un roman biographique rédigé par ses descendants, Myriam et Gaston de Béarn (La vie fabuleuse de Gaston Phoebus – 1959).

Sous les murailles
La tour de l'Arget
Une vue qui semble vertigineuse...
Mais en réalité, l'escalier donne sur les lices
Le traité de Phebus sur la chasse

Puivert

Contrairement à ceux de Foix, les seigneurs de Puivert n’ont pas particulièrement brillé lors de la confrontation avec les croisés. L’un des sièges, notamment, verra ses portes s’ouvrir au bout de seulement trois jours. Et pour cause : ils sont plus volontiers tournés vers l’art et la musique ! Puivert était un lieu renommé pour accueillir les troubadours et les musiciens, qui s’affrontaient dans des joutes orales et musicales.

Pierre d’Auvergne, le meilleur poète de l’époque classique (1150-1250, qui voit le succès de l’amour courtois dans les cours méridionales), se moque dans un de ses textes de ses homologues contemporains. Il finit son texte par ses mots : « Lo vers fo faitz alsenflabotz/A Puig-Vert, tot jugan rizen » Autrement dit : « Le vers fut fait au son des cornemuses à Puivert, tout en jouant et en riant ».

Ces protecteurs des arts ont consacré une pièce du donjon à un instrumentarium. De même taille et conception que la chapelle, il s’agit de la pièce de vie, dans laquelle on joue et on écoute de la musique. Les culs-de-lampe sont sculptés à l’image de musiciens, représentés avec leur instrument. Comme il est expliqué dans un documentaire diffusé au musée du Quercorb, situé dans le village, ces bas-reliefs furent précieux aux archéologues pour reconstituer les instruments musicaux de cette époque : c’est grâce à ces sculptures que l’on connaît mieux la cornemuse, la flûte, le tambourin, le rebec, le luth, le psalterium, la viele à archet, la guiterne et l’orgue portatif. Dans ce même musée sont également proposés neuf poèmes lyriques de l’époque, sous leur forme écrite et interprétée par des artistes d’aujourd’hui.

Au musée du Quercorb, les instruments reconstitués sont présentés en vitrine
médaillon de la clé de voûte de l'instrumentarium
La vue depuis le donjon
Un autre exemple de tour réalisée à l'aide de pierres à bossage : la "tour bossue"
Au musée du Quercorb, un poème lyrique de l'époque.
La guiterne

La guiterne

Le tambourin, fréquemment associé à la flûte

Le tambourin, fréquemment associé à la flûte

L'orgue portatif

L'orgue portatif

Derniers commentaires

11.09 | 20:01

Merci à Marc pour cette visite vidéo de la cathédrale Saint Jean. Le fond musical est bien choisi.

11.09 | 19:48

Nous avons fait un super tour de La ville de Lyon en vélo taxi. Notre guide Marc a une très bonne connaissance en histoire. Nous avons appris beaucoup. 😊 Je recommande.

17.08 | 16:20

Très intéressant tour instructive avec Marc samedi passe!

10.08 | 13:19

Très bonne découverte de Lyon avec Marc.
Agréable et très intéressant, il nous a appris beaucoup de choses sur l'histoire de cette belle ville

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